La Jonction
La Jonction (ou Jonx, comme disent les initiés), vous connaissez ? C’est à Genève, de bleu de bleu ! C’est l’endroit où se mélangent le Rhône (le nôtre, tronçon suisse et encore propre, qui vient des montagnes) et l’Arve (boueuse et polluée, qui vient de France !). Bien sûr, je rigole, car le Rhône venant de Suisse, ainsi que le lac Léman n’ont pas toujours été propres, loin s’en faut… Le spectacle de ces deux cours d’eau qui se mélangent vaut le coup d’œil, surtout que les points d’observation ne manquent pas.
La Jonction, c’est aussi un quartier, une sorte de village sur une presqu’île, sans voitures ou presque, vestige industriel du XXe siècle en plein Genève. Vous l’aurez compris, dans ce coin il n’y a pas de banques, pas d’Apple center, pas de McDo, pas d’hyper marché, pas de tours en béton. Juste le dépôt des bus genevois (plus pour longtemps), une usine désaffectée (Kugler) devenue centre pour artistes, et un journal de gauche (le Courrier, mon préféré). Et beaucoup d’habitants, dans des logements de type ouvrier, certainement très peu spacieux et beaucoup trop chers, une habitude à Genève…
J’adore flâner par là-bas, il y a plein de coins insolites à découvrir, des tas de bistrots, d’usines délabrées… De plus, en franchissant les deux cours d’eau, on est tout de suite dans une végétation luxuriante, incroyable en pleine ville.
En été, les berges du Rhône sont très fréquentées par les pique-niqueurs et les baigneurs, malgré le risque d’être entraîné par le courant. Et croyez-moi, mieux vaut éviter de se retrouver dans les tourbillons de la rencontre avec les eaux froides de l’Arve : noyade assurée. Tout le parcours le long du Rhône est parsemé de panneaux sur la dangerosité du lieu : courants violents, montée subite des eaux, etc… !
J’aime bien la Jonction pour son atmosphère de bout du monde : à la pointe extrême, il y a une sorte de petit balcon avec vue cinémascope sur les deux fleuves, avec une sorte de mur de séparation sous l’eau très impressionnant, et le pont ferroviaire juste au-dessus.
Justement, j’y suis retourné il y a quelques jours pour tester mon nouvel EOS 6D, acheté récemment après le vol de tout mon matériel à Berlin cet été… Et puis, comme j’avais déjà passablement photographié ce coin, j’ai décidé de m’aventurer dans les petits chemins autour, notamment ceux difficilement praticables, car souvent boueux et pleins de ronces. Il faut parfois escalader des barrières, longer des parois verticales, grimper en haut des berges pour redescendre après.
Je n’ai pas osé aller au delà du pont Butin : il y a bien une sorte de chemin, mais trop dangereux, et une baignade forcée dans le Rhône avec tout mon matériel me tentait assez peu ! J’ai essayé aussi de l’autre côté, il y a un chemin, mais vraiment très mauvais.
Le long de ce parcours, une drôle de suprise m’attendait : des gens vivent là…
En commençant par la passerelle du bois de la Bâtie, ou plutôt dessous, une alignée de matelas, quelques chaises… Un peu plus loin une tente bricolée avec des vieilles toiles. Mais le plus étrange c’est plus loin encore, le long du Rhône en direction du pont Butin : dans la verdure en plein Genève, des cabanes, et même une grotte dans la paroi visiblement habitée. C’est une sorte de petit jardin aménagé contre la paroi, où se trouve cette grotte, qui a attiré mon attention. Le plus curieux, c’est de n’y voir absolument personne la journée, probablement des Roms qui mendient en ville, mais pas sûr… La crise du logement à Genève est peut-être aussi à l’origine de cette situation.
Au pied du pont ferroviaire se trouve une station de pompage. On peut la traverser sans problème et accéder ainsi au chemin d’accès du pont. Du haut, vue incroyable sur la ville… Mais en arrivant de l’autre côté du pont, une odeur infecte vous saisit : normal, juste en dessous, c’est l’arrivée de tous les déchets de la Ville de Genève, et le point de départ en péniche pour l’usine des Cheneviers afin d’être incinérés.
Quelques mètres plus loin on se retrouve au bois de la Bâtie pour revenir au centre-ville par les berges de l’Arve cette fois. Là aussi, terrain très instable et anciens chemins condamnés pour cause d’effondrement.
Si cette ballade vous tente, au niveau des cours d’eau pas trop de problèmes, on peut même passer quelques barrières, mais en se méfiant des bords du Rhône… Par contre, en haut des berges, ne le faites jamais ! La végétation rend complètement invisibles les bords du précipice, ce qui est d’ailleurs signalé par de nombreux panneaux. Et vu la fréquentation, si par chance vous vous en sortez avec seulement une jambe cassée, vous pourrez appeler tant que vous voudrez, personne n’entendra !