L’Italie, bateau franco-suisse
Franco-suisse, oui. Avec un drapeau français devant et un drapeau suisse derrière. Mais celui-ci n’a jamais été en Italie, et pour cause: c’est un bateau du lac Léman. Nommé ainsi en 1906, en hommage aux ouvriers italiens du tunnel du Simplon, dont beaucoup moururent suite aux conditions de travail atroces de l’époque.
C’est un bateau belle-époque (si on peut dire!), destiné aux transports de passagers et qui fonctionnait à la vapeur. Comme encore un certain nombre (7, dont 4 ont gardé leur machine à vapeur). D’autres ont coulé, ou été détruits car trop vétustes, parqués et utilisés comme restaurants, et certains «dévaporisés» dans les années 50. La machine à vapeur, fonctionnant encore au charbon, n’avait plus la cote. Les bateaux actuellement vaporisés sont chauffés au fioul, nettement moins polluant que le charbon, et leur mécanique complexe et fragile nécessite beaucoup moins de personnel grâce aux commandes électriques et hydrauliques.
L’Italie fait partie de ces bateaux «belle époque» restaurés, adaptés aux normes de sécurité less plus sévères, mais non revaporisés, pour des raisons de coûts astronomiques! Et même sans remettre la machine à vapeur, la rénovation de ce bateau aura coûté 14 millions de Francs suisses! (Dont 11 millions de dons privés).
Les raisons d’un coût pareil? Le souci du détail bien sûr, mais aussi les normes de sécurité draconiennes, puisqu’il a fallu repenser complètement la coque, y mettre des cloisons étanches, des systèmes d’alarme, des nouveaux moteurs diesels peu polluants, etc…
Il sera resté 10 ans désaffecté, en attendant son refinancement. Ne vous plaignez donc pas du prix relativement élevé des traversées du Lac, la CGN est largement déficitaire! À noter quand même que le demi-tarif CFF est appliqué, ce qui n’est pas le cas sur tous les lacs de Suisse.
Depuis la fin de l’année passée, je fais souvent le trajet Lausanne-Thonon, la plupart du temps dans un bateau moderne sans trop de charme: des rangées de sièges genre avion, et juste un mini-bar.
Mais en rentrant un vendredi soir, j’ai eu la bonne surprise de rentrer de Thonon par le bateau fraîchement rénové «Italie». En fait, il l’ont utilisé pendant quelques semaines juste avant le week end pour des croisières gourmandes. Cela a permis de faire du transport de passagers tout en préparant la cuisine. Et heureusement, j’avais mon appareil photo…
Et la bonne surprise, c’est la magnifique qualité du travail de restauration, ainsi que l’ajout d’éléments modernes: éclairage très étudié, grands vitrages sur les roues à aubes et le bar, magnifique cheminée qui ne fume pas, vu qu’elle est strictement décorative…
Et une déception: l’absence totale de machinerie visible, et bien sûr pas de vapeur. La machinerie doit se situer sous le plancher, en dessous de l’axe des roues à aube.
Mais l’avantage, c’est que ce bateau peut naviguer en toutes saisons. Les bateaux à vapeur eux, ne circulent qu’en été, vu que la machine doit rester en chauffe en permanence, tout comme les locomotives à vapeur. Je vous laisse imaginer le coût et la consommation de fioul!
C’est vrai, sans la machine à vapeur, un peu de charme est rompu… Car par exemple sur le «Rhône» avec ses 2 cylindres énormes calés à 270 degrés (si j’ai bien compris), ont sent comme la respiration d’un monstre, c’est très impressionnant. Et surtout le freinage avec l’inversion du mouvement.
Ces sensations sont gommées sur l’Italie, mais il faut reconnaître que la machine est incroyablement silencieuse. Et il semblerait que très peu d’équipage soit nécessaire pour conduire ce bateau tant la timonerie à été simplifiée.
La capacité de ce bateau et de 560 passagers. À comparer aux 1500 places d’un bateau comme le «Lausanne», sorte de paquebot d’eau douce à trois ponts, dont je n’ai jamais compris l’utilité, vu la dimension du lac Léman…
Il existe encore pas mal de bateaux historiques à vapeur en Suisse et en Europe, par exemple sur le lac des 4 Cantons, ou sur l’Elbe en Allemagne, pour ceux que je connaît, mais les «belle époque» du lac Léman sont les plus gros.
Pour certaines photos, j’ai utilisé le trépied lors des manœuvres d’accostage.